Au théâtre (HLP)

De nouvelles représentations théâtrales au théâtre Points Communs pour les élèves de HLP.

Nous avons vu ainsi une représentation théâtrale du roman de Balzac, Les Illusions Perdues.

Voici la critique de Lydia :
Durant un peu moins de trois heures, Pauline Bayle nous plonge dans une adaptation du roman de Balzac Illusions perdues. Le spectateur suit alors le chemin sinueux de Lucien de Rubempré, parti à Paris, pour assouvir son désir de devenir écrivain. Le spectacle débute par la lecture d’un de ses écrits ; entre encouragements et critique, il décide de quitter Angoulême pour partir avec Madame de Bargeton, une femme qu’il aime éperdument, mariée… La mise en scène fluide, vivante et enveloppante, dirigée par un jeu d’acteur enivrant, amène le spectateur à la capitale, où Lucien débute, seul, dans les affres du journalisme. La disposition de la scène sous forme de ring de boxe traduit l’hostilité de ce milieu, rythmé par les coups bas et les enjeux de pouvoirs. Le rythme soutenu de la pièce permet de suivre les soubresauts d’un quotidien effréné, peuplé de rebondissements. Entre cristallisation déchue, trahison, gloire naissante, et amour juvénile, le jeune écrivain se retrouve propulsé de tous les côtés.
Le public s’attache alors à ce personnage presque martyrisé, interprété avec brio par une actrice montrant, ainsi, que le désir de gloire ne s’arrête pas à une question de genre. La metteuse en scène modernise alors le classique de Balzac pour démolir la barrière du sexe et offrir une nouvelle perspective : l’aspiration à la gloire n’est pas genrée. Portés par une musique haletante, les acteurs enchaînent leurs combats verbaux sur ce ring de boxe, pour arriver au climax de la pièce qui embaume le spectateur dans l’atmosphère d’un Paris bouillonnant, taché d’hypocrisie, où le milieu du journalisme tisse des relations éphémères destructrices, accompagnée d’amitié sincères balayées. C’est alors qu’après avoir traversé les joies et les échecs de ce rêve d’écrivain sous les yeux d’un public fasciné que Lucien pactise avec le diable et décroît dans la déchéance. Dans cette même disposition de scène, reflétant la curiosité et le jugement humain, Lucien s’effondre, laissant un souvenir marquant au spectateur…

L’avis de Patrick :

Une très belle pièce ! Des jeux de sons et lumières très originaux qui apportent une originalité à la scénographie. Une idée très intéressante de faire jouer cinq interprètes pour les différents rôles des personnages. C’est une représentation moderne mais qui rend bien compte de l’écriture de Balzac.

Nous avons assisté également à la mise en scène du classique Dom Juan de Molière, déboulonné par la mise en scène de David Bobée.

Voici la critique d’Alban :

Lorsque l’on pense Molière, on s’imagine les plus grandes pièces comiques du théâtre classique et une plongée dans une œuvre encore tellement étudiée de nos jours. Avec cette revisite de David Bobée s’opère une véritable déconstruction de la pièce telle qu’on se la figure habituellement, avec ses qualités mais aussi des défauts visibles et marqués dans sa grande majorité.

La pièce et sa réécriture trouvent tout d’abord pertinence et densité par des choix plus que plaisants de la part du metteur en scène. Un décor somptueux qui, faisant parfaitement référence aux statues pensées par Molière, ramène constamment Dom Juan à ce qu’il est, un tyran antique et une figure effrayante dans sa construction et ses actes. Car c’est ici et dès le début de la pièce que le personnage prend toute son ampleur. Arrivant sur scène, bicorne sur la tête et l’air conquérant, le spectateur comprend instantanément qu’il ne s’agit pas ici d’un Dom Juan comique et exubérant qui va lui être donné à voir durant près de trois heures. Au contraire, il s’agit d’un être cruel, à la face machiavélique, aux dires mesquins et aux actions mauvaises.
Cette vision du personnage est renforcée ici par le ton tragique donné à l’œuvre, et qui transporte dans un tourbillon de folie. Celle-ci est centrale dans le récit, et ne manque pas de souligner une nouvelle fois le génie de Molière qui, sous un titre et une pièce à l’humour mis en avant pour dissimuler un tragique apparent, marque encore de sa grandeur les théâtres et les esprits, presque quatre siècles plus tard.
L’impression désuète que donne au premier abord le nom de la pièce perd ici de sa simplicité apparente, et l’on retrouve tout d’une grande pièce chez ce Dom Juan de David Bobée. Aussitôt son personnage planté et le décor construit, une performance nous émerveille autant qu’elle nous effraie. Celle d’un Dom Juan transporté dans une folie désireuse, et d’un acteur principal habité par un rôle de composition majestueux. A quelques centimètres de lui ou depuis le fond de la salle, le spectateur ressent la puissance de son jeu et la force de sa voix, portées au public comme pour dénoncer un monstre que personne ne contrôle. Car c’est ce qu’est ce Dom Juan, un incontrôlable et vicieux personnage, qui, par ses pêchés, emporte avec lui une pièce dans son malheur. Il semble alors impossible de se détacher de cette pièce aux fortes allures de chef d’œuvre contemporain, tant rien ne semble premièrement capable de venir renverser une parfaite maîtrise sur ces points précis. Ce ne sera malheureusement pas le cas durant toute la pièce, mais David Bobée exploite ici une qualité que l’on retrouve rarement chez les metteurs en scène de nos jours, allier le fond et la forme à la perfection, et le message profond et les formes de manière admirable. Les choix de mise en scène ravissent alors, et la réécriture est incroyablement ancrée dans le présent. Transformer Dom Louis en mère, Sganarelle en chanteur et Pierre et Charlotte en de somptueux danseurs sont autant de décisions qui relèvent du génie et permettent à l’intrigue d’avancer ses subtilités telles des pièces d’un plateau d’échec géant. C’est aussi cela, Dom Juan, un échiquier majestueux où un roi trône et détruit tout, et des personnages satellites qui gravitent et tentent de trouver leur place…

L’inégalité de la pièce surprend ensuite. Si l’on attend d’une pièce de cette longueur qu’elle soit rythmée à la perfection, on en déplore ici le manque. Une pièce inégale dans la répartition des scènes, car certaines d’entre elles, bien que pertinentes, auraient pu être raccourcies et allégées pour le besoin de fluidité du récit. Une inégalité dans la répartition des rôles, qui bien qu’annoncés comme tous importants devant le rideau avant le début de la pièce, manquent d’équité pour la plupart. L’impression de cette non présence de certains acteurs est d’ailleurs contrastée par l’omniprésence d’autres. Si Dom Juan doit asseoir logiquement sa domination et en conséquence sa présence sur toute la durée de la pièce, ce n’est pas nécessairement le cas d’Elvire, qui marque ses apparitions trop récurrentes par une certaine platitude de jeu. Une voix monocorde et un jeu paradoxalement dénué d’émotion, on ne retrouve pas ici ce travail du personnage réalisé avec celui de Dom Juan. On semble oublier ici qu’Elvire n’est pas qu’une simple victime d’un Dom Juan dévastateur, mais aussi un personnage plus qu’intéressant à sublimer. Malheureusement, l’interprétation qui en est donnée la cantonne à un rôle secondaire trop présent comparé aux prestations discrètes d’autres acteurs talentueux, comme ceux qui interprètent si magnifiquement l’alchimie retenue entre Pierre et Charlotte… Ceux-ci, parfaitement interprétés et à l’allure d’une grâce et d’un charisme rares, sont l’un des points centraux de l’intrigue et le démontrent lors de leurs apparitions sur scène. Cependant, celles-ci sont soit trop brèves, soit trop allusives et leur présence n’est malheureusement pas exploitée à la hauteur du talent de leurs interprètes.
Si la mesure n’est pas une caractéristique primaire chez Dom Juan, la pièce en manque aussi grandement. Mais l’obligation de la démesure totale n’était pas présente ici, tant un petit moment de répit et de calme aurait donné plus de profondeur encore à la vision du personnage central. Oui, pendant presque trois heures, on embrasse, mange, crie, arrache et détruit tout, mais rien ne semble venir entraver cette liberté prise dès le départ. Même si l’ascension de cette folie démesurée est d’abord pertinente, elle perd en sens dans son dénouement, et rallonge certains passages inutilement. Ce n’est pas tellement les actes montrés qui dérangent, mais la façon dont leur répétition tend à desservir la pièce et lui donner un aspect vulgaire et haché. La performance centrale est donc exceptionnelle, rien à dire là dessus, mais n’offre peut être pas assez de liberté au reste de la distribution, et pervertit par moments la subtilité des choix…

Dom Juan ou le festin de Pierre par David Bobée est donc une pièce d’expériences. Une expérience pour le spectateur, qui vit avec intensité le théâtre comme rarement on l’expérimente. Une expérience de mise en scène, dans toute sa virtuosité non contenue, et par moments pas assez. Une expérience de jeu, avec une sublimation d’acteurs et une déchéance centrale, et une difficulté à trouver la justesse pour d’autres. Quoi qu’il en soit, on ressort secoué de ce spectacle aux allures de montagnes russes, où l’on manque de se faire assommer par les évènements, ou bien par une planche de bois et une bougie aussi dévastatrices que le chaos orchestré par un empereur du désir...

Enfin, la pièce de Joël Pommerat, Contes et Légendes, qui propose une réflexion sur la relation entre l’être humain et la créature artificielle à son image : les robots humanoïdes.